L’impact de la conjoncture économique actuelle sur les notaires

La conjoncture économique est un facteur majeur qui influence le fonctionnement de nombreux secteurs, y compris celui du notariat. Les fluctuations économiques peuvent entraîner des répercussions significatives sur les transactions immobilières, les successions, les contrats d’entreprise et bien d’autres domaines juridiques dans lesquels les notaires jouent un rôle essentiel. Selon les conclusions de l’enquête mensuelle de conjoncture réalisée par la Banque de France en juin 2023, les secteurs de l’industrie et des services ont connu une légère amélioration de leur activité au mois de mai. Cependant, malgré cette progression, la situation économique actuelle demeure fragile. En outre, l’inflation a atteint un niveau record en début d’année 2023, s’élevant à 7,2 %. 

Dans cet article, nous explorons en détails les différentes facettes de cet impact sur la profession notariale. Nous analysons également les mesures que les notaires peuvent prendre pour faire face à ces défis et pour rester compétitifs dans un contexte économique en mutation constante. 

Table des matières

Analyse du bilan économique actuel 

Le secteur immobilier et de la construction connaît des difficultés avec des transactions en baisse, tandis que les coûts de production et les prix augmentent. L’écosystème entrepreneurial est également confronté à des défis tels que la hausse des coûts énergétiques, les contraintes de financement et les problèmes de recrutement. 

Les secteurs du bâtiment et de l’immobilier en difficulté 

Au Q4 2022, dans un contexte économique difficile marqué par des tensions sur les prix, le secteur immobilier continue de ralentir.  

Dans le segment du logement neuf, les mises en chantier restent faibles et la commercialisation des logements continue de baisser. Bien que les coûts de production et les prix des logements augmentent toujours, cette hausse est moins prononcée.  

Dans le segment de l’immobilier ancien, le volume des transactions continue de diminuer et la hausse des prix ralentit. Avec la remontée des taux d’intérêt, la production de nouveaux crédits continue de diminuer et les durées d’emprunt se stabilisent.  

Même si l’emploi et la création d’entreprises restent à un niveau élevé dans les secteurs de l’immobilier et de la construction, les perspectives restent pessimistes dans la promotion immobilière (cela est plus favorable dans le domaine de l’entretien et de la rénovation). Entre mai 2022 et avril 2023, la Banque de France a enregistré 9404 faillites d’entreprises, dont 1485 dans le secteur de l’immobilier. Ces chiffres ont augmenté respectivement de 42,7 % et de 21,1 % par rapport à l’année précédente. Cependant, ils restent inférieurs de 15,2 % et de 9 % par rapport à la période pré-COVID en 2019. 

Des investissements immobiliers en baisse  

Les prix immobiliers progressent plus rapidement que l’inflation annuelle de 6 % dans les villes moyennes et les stations balnéaires, tandis que la plupart des grandes villes connaissent une légère baisse des prix en raison de la hausse des taux d’intérêt. Le taux d’usure pour les crédits immobiliers de longue durée a augmenté, passant de 2,41 % au 1er janvier 2022 à 3,79 % au 1er janvier 2023.  

Cette hausse des taux devrait se poursuivre et pourrait atteindre 4 % d’ici la fin de l’année 2023. En conséquence, les acheteurs immobiliers sont confrontés à un contexte défavorable, ce qui devrait entraîner une légère baisse des ventes par rapport à 2022.  

On observe également un désintérêt relatif des Français pour les centres urbains, qui devrait se poursuivre, tandis que les prix dans les zones rurales continueront d’augmenter. Certaines villes connaissent une tendance légèrement baissière, comme Paris et Lyon, où les prix pourraient baisser de 3 % tout en restant autour de 10.000 euros/m2 en moyenne. Selon une étude d’OpinionWay réalisée pour le réseau Laforêt en décembre 2022, les Français redoutent une nouvelle hausse des prix immobiliers en 2023, ce qui pourrait les amener à remettre en question ou à différer leurs projets immobiliers dès que le taux d’intérêt franchira la barre des 3 %. 

Des fluctuations importantes concernant les matériaux de construction  

En seulement trois ans, le secteur des matériaux de construction a été confronté à une série de chocs majeurs : après deux années depuis le début de la pandémie de COVID-19 et le premier confinement, le conflit en Ukraine a ajouté une crise des approvisionnements énergétiques aux tensions déjà existantes au niveau de l’offre. Résilient, le secteur a retrouvé en 2021 les niveaux d’activité d’avant la crise.  

Cependant, il fait maintenant face à une augmentation significative des coûts de production et aux effets négatifs de l’inflation concernant la demande de construction. À titre d’exemple, en 2022, la production de granulats et de béton prêt à l’emploi a diminué de 4 %, et cette tendance se poursuit en ce début d’année 2023. Les carnets de commandes se vident progressivement sans se remplir, en particulier dans les travaux publics.  

Bien que le climat des affaires dans le secteur du bâtiment soit toujours positif, il montre des signes d’érosion, qui devraient se poursuivre en raison de la contraction du marché de l’immobilier neuf. Dans le domaine des travaux publics, l’activité est au ralenti. 

Un écosystème entrepreneurial en proie à de nombreux défis 

L’année 2022 a été marquée par un record de créations d’entreprises, mais en 2023, trois problématiques principales ont commencé à se profiler : la hausse des coûts énergétiques, les difficultés de financement et les défis liés au recrutement. Environ 44 % des auto-entrepreneurs ressentent l’impact financier de la hausse des coûts énergétiques, tandis que 51% des TPE-PME se disent toujours prêtes à investir. Les conditions d’obtention de financements sont également devenues plus restrictives de la part des banques et des investisseurs.  

Selon les dernières données de l’INSEE, en janvier 2023, les créations d’entreprises ont diminué dans la plupart des secteurs, enregistrant des baisses plus importantes qu’au mois précédent dans le soutien aux entreprises (-5,2 % après -2,6 %) et dans l’industrie (-21,1 % après -6,5 %), ainsi que dans les transports et l’entreposage (-10,8 % après +8,9 %).  

L’impact de la crise économique sur l’activité des notaires : volume et nature des transactions traitées 

La crise économique a un impact significatif sur l’activité des notaires, à la fois en termes de volume et de nature des transactions traitées. Elle entraîne par exemple une baisse des transactions commerciales et des créations d’entreprises, réduisant ainsi la demande de services notariaux dans ces domaines.  

Réduction des transactions commerciales   

En période de crise économique, les entreprises peuvent réduire leurs investissements et leurs activités commerciales. Cela peut se traduire par une diminution du nombre de transactions commerciales telles que les fusions et acquisitions, cessions d’entreprises ou de parts sociales. Moins de transactions signifie moins de besoins en services notariaux liés à ces opérations.  

Diminution des créations d’entreprises  

Pendant une crise économique, de nombreux entrepreneurs peuvent être réticents à créer de nouvelles entreprises en raison de l’incertitude et des difficultés financières. En conséquence, le nombre de nouvelles sociétés créées peut diminuer, ce qui réduit la demande de services notariaux pour l’enregistrement et la rédaction des statuts de ces entreprises. 

Ralentissement des opérations de restructuration 

Les périodes de crise économique peuvent entraîner une augmentation des difficultés financières des entreprises. Cependant, en raison de l’incertitude économique, certaines entreprises peuvent retarder leurs opérations de restructuration telles que les fusions, les scissions ou les réorganisations de société. Cela peut entraîner une baisse de la demande de services notariaux liés à ces opérations. 

Réduction des litiges commerciaux  

Pendant une crise économique, les entreprises peuvent être plus enclines à éviter les litiges commerciaux pour économiser des coûts juridiques. Cela peut entraîner une diminution des litiges commerciaux et, par conséquent, une réduction de la demande de services notariaux dans le cadre de la résolution de ces différents conflits. 

Difficultés financières des clients  

Les difficultés financières peuvent conduire à une diminution de la demande de services notariaux. Les personnes et les entreprises peuvent être moins enclines à engager des notaires si elles perçoivent des difficultés financières ou une instabilité dans la situation économique du notaire. Cela peut entraîner une diminution des revenus pour les notaires et une baisse de leur activité économique globale. 

Une baisse drastique des opérations immobilières  

La note de conjoncture des Notaires de France, publiée pour le mois d’avril 2023, indique que le nombre de transactions immobilières pour des logements anciens en France (hors Mayotte) a atteint 1 083 000 sur les douze derniers mois jusqu’à fin février 2023, ce qui représente une baisse de 8,1 % par rapport à l’année précédente. Cette diminution s’explique en partie par l’augmentation de 0,2 % de l’indice des prix des logements anciens en France métropolitaine entre le troisième et le quatrième trimestre 2022, ainsi que par une hausse de 4,8 % sur un an.  

Selon la note de conjoncture, le marché immobilier semble désormais entrer dans une nouvelle phase, marquée par une augmentation des taux d’intérêt hypothécaires et une inflation que les banques centrales tentent de maîtriser en augmentant leurs taux d’intérêt, ce qui pénalise les emprunteurs. 

Lorsque le nombre d’emprunteurs diminue, cela a un impact direct sur les achats de logements, entraînant ainsi une baisse de la demande sur le marché immobilier. Par conséquent, cette diminution de la demande se traduit par une réduction du recours aux services des notaires, puisque moins de transactions immobilières sont effectuées.  

Les défis auxquels sont confrontés les notaires dans le contexte économique actuel 

Dans le contexte économique actuel, les notaires sont confrontés à plusieurs défis, notamment : 

  • Pression sur les honoraires : certains clients peuvent rechercher des alternatives moins coûteuses, telles que des plateformes en ligne qui fournissent des services juridiques à faible coût. Cela peut impacter la rentabilité de la recherche notariée et nécessiter des ajustements sur leurs stratégies de tarification, 

 

  • Concurrence accrue : la crise économique peut intensifier la concurrence entre les professionnels du droit. Les notaires doivent faire face à une concurrence plus féroce, notamment de la part des cabinets d’avocats qui peuvent offrir des services juridiques similaires. Les notaires doivent donc se différencier en proposant davantage de valeur ajoutée et en mettant en avant la spécificité de leur degré d’expertise, 

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  • Adaptation aux nouvelles demandes : les besoins des clients évoluent avec la crise économique. Les notaires doivent être prêts à répondre à de nouvelles demandes, telles que la restructuration des dettes, les conseils en matière de faillite ou de liquidation d’entreprises. Ils doivent être en mesure de fournir des conseils adaptés aux nouvelles réalités économiques et aux enjeux spécifiques auxquels leurs clients sont confrontés. 

 

Les opportunités émergentes pour les notaires dans un contexte économique incertain  

Dans un contexte économique incertain, les notaires peuvent tirer profit de plusieurs opportunités émergentes. 

Conseil en planification successorale  

Lorsque l’économie est instable, de nombreuses personnes souhaitent protéger leurs actifs et planifier leur héritage patrimonial. Les notaires peuvent fournir de précieux conseils sur les meilleures stratégies de planification successorale pour les testaments, les fiducies, les donations et plus encore. 

Restructuration des dettes 

Les périodes économiques difficiles peuvent entraîner des difficultés financières pour les particuliers et les entreprises. Les notaires peuvent jouer un rôle essentiel dans la restructuration des dettes, en aidant les clients à renégocier les prêts, à élaborer des accords de remboursement et à protéger leurs intérêts juridiques. 

Conseil en droit des affaires 

Les entreprises sont souvent confrontées à des défis juridiques pendant les périodes économiques incertaines. Les notaires peuvent offrir des conseils en matière de droit des sociétés, de contrats commerciaux, de restructuration d’entreprise et d’autres domaines du droit des affaires pour aider les entreprises à relever ces défis. 

Les opportunités pour les notaires en période d'incertitude économique

Le rôle des notaires dans la restructuration des entreprises en difficulté 

Le notaire occupe une position cruciale lorsqu’il s’agit de restructurer des entreprises en difficulté, que ce soit pour vérifier la validité des cessions d’actifs antérieures ou pour faciliter la vente d’actifs.

L’examen de la validité des cessions d’actifs antérieures   

Selon une étude récente menée par la Chambre des notaires de France, les notaires jouent un rôle essentiel dans la restructuration des entreprises en difficulté. En effet, lors des procédures collectives, les notaires interviennent à différentes étapes du processus pour faciliter la vente d’actifs et contribuer à la réalisation des objectifs de la restructuration. 

Avant l’ouverture de la procédure collective, les notaires sont souvent sollicités pour examiner la validité des cessions d’actifs antérieures. Selon les données recueillies par la Chambre des notaires, dans 45 % des cas de restructuration d’entreprises en difficulté, des irrégularités sont détectées dans les cessions d’actifs précédentes, nécessitant l’intervention des notaires pour clarifier la situation et assurer la validité des transactions à venir. 

L’importance du notaire dans la vente d’actifs 

Pendant la période d’observation, les notaires jouent un rôle important dans la vente d’actifs dans le cadre d’un plan de continuation ou d’une cession. Selon une étude réalisée par une association de professionnels du droit, dans près de 60 % des procédures collectives, les notaires sont impliqués dans la vente d’actifs, en veillant à ce que les transactions se déroulent de manière transparente et en respectant les exigences légales. 

En cas de liquidation judiciaire, les notaires peuvent être chargés des ventes d’immeubles ou de fonds de commerce. Selon les données fournies par le Conseil supérieur du notariat, les ventes d’actifs immobiliers dans le cadre de procédures de liquidation judiciaire représentent environ 30 % de toutes les ventes réalisées par les notaires dans le domaine de la restructuration des entreprises en difficulté. 

Après la clôture de la procédure collective, l’intervention des notaires peut être nécessaire si l’actif n’a pas été totalement réalisé. Selon une étude menée par un institut de recherche économique, dans 20 % des cas de restructuration d’entreprises, certains actifs ne sont pas entièrement réalisés lors de la procédure collective, nécessitant l’intervention des notaires pour finaliser les transactions et assurer une clôture complète de la procédure. 

Ces statistiques et études concrètes soulignent l’importance du rôle des notaires dans la restructuration des entreprises en difficulté. Leur expertise juridique et leur implication tout au long du processus contribuent à garantir la transparence des transactions, à protéger les intérêts de toutes les parties prenantes et à favoriser la réussite des opérations de restructuration. 

Conclusion  

Les notaires ont dû faire face à d’importants changements dans leur activité en raison de la situation économique actuelle. Cela s’est traduit par une baisse de la demande et des défis liés aux crises immobilières successives. Cependant, ils ont la possibilité de saisir de nouvelles opportunités et de jouer un rôle essentiel dans des domaines tels que la planification successorale et la restructuration des entreprises en difficulté. Leur expertise et leur contribution restent indispensables dans un contexte où le paysage économique est en constante évolution.