Droit des sociétés : les textes et actualités de janvier 2024 !

En cette nouvelle année, plusieurs évolutions sont à noter en matière de droit des sociétés. Prolongation du rééchelonnement des PGE jusqu’en 2026, finalisation d’un accord européen contre le blanchiment de capitaux, jurisprudence de la Cour de cassation sur la solidarité commerciale…

Voici ce qu’il faut savoir. 

Table des matières

Accord sur un corpus réglementaire pour lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme

Le 18 janvier 2024, les députés européens ont finalisé un accord avec le Conseil concernant de nouvelles mesures renforçant la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et l’évasion des sanctions.

Cet accord provisoire porte sur la sixième directive anti-blanchiment (LAM).  Les dispositions convenues devront notamment être appliquées par les banques et les professions non financières (avocats, comptables…), afin de protéger le marché intérieur de l’Union européenne contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

L’UE souhaite ainsi établir un cadre réglementaire directement applicable, notamment pour le secteur des crypto-actifs et des négociants de produits de luxe. Autre objectif poursuivi : l’harmonisation des règles relatives aux bénéficiaires effectifs. L’accord fixe ainsi le seuil applicable aux bénéficiaires effectifs à 25 %.

Les paiements en espèces devront être soumis à un plafond maximal de 10 000 euros à l’échelle de l’UE afin de compliquer les processus de blanchiment de capitaux. Par ailleurs, les entités assujetties seront tenues d’appliquer des mesures de vigilance renforcée aux transactions effectuées à titre occasionnel avec des pays tiers dits à haut risque.

L’accord doit maintenant être formellement adopté par le Parlement et le Conseil. 

Précisions sur la solidarité commerciale en cas de cession de contrôle

Le 24 janvier 2024, la Cour de cassation a rendu un arrêt (Cass. com., 24 janv. 2024, n° 20-13.755) dans lequel elle apporte des précisions sur la solidarité commerciale en cas de cession de contrôle. En l’espèce, quatre cédants avaient été condamnés à verser une certaine somme à deux cessionnaires au titre d’une garantie de passif prévue dans chacun des cinq actes de cession.

Or, selon la Cour de cassation, l’un des cessionnaires n’avait acquis ses parts que de l’un des cédants, de sorte que la solidarité dont bénéficiait le second envers celui-ci et les trois autres pour avoir acquis des parts auprès de chacun d’eux ne pouvait produire d’effet à son égard.

Par cet arrêt, la Cour de cassation a donc confirmé la règle selon laquelle la solidarité est présumée en cas de cession de contrôle d’une société commerciale. Mais attention : des restrictions doivent être posées. Ainsi, seules les obligations nées de conventions ayant pour effet le transfert du contrôle sont solidaires.

Prêt garanti par l’Etat (PGE) : prolongation du rééchelonnement jusqu’en 2026

Depuis 2020, 107 milliards d’euros de prêts garantis par l’Etat (PGE) ont été accordés aux TPE/PME mises en difficulté par la crise sanitaire.

Si plus de 50 milliards d’euros ont été intégralement remboursés, certaines entreprises font face à des difficultés de remboursement. Début janvier, le Ministère de l’économie a donc annoncé que les entreprises qui le souhaitent pourront rééchelonner le prêt dont elles ont bénéficié pendant la pandémie de Covid-19 jusqu’au 31 décembre 2026.

Pour cela, il convient de faire appel à un dispositif de restructuration via la Médiation du crédit. Ce dispositif permet d’étaler le PGE de deux à quatre ans supplémentaires par rapport à l’échéancier initial. 

Cession de parts sociales : rappels de règle sur l’agrément dans les SARL

Le 24 janvier 2024, la Cour de cassation a eu à se prononcer sur le troisième alinéa de l’article L.223-14 du Code de commerce, relatif à la procédure d’agrément en SARL (Cass. com., 24 janv. 2024, n° 21-25.416).

Pour rappel, ce troisième alinéa dispose que : “Si la société a refusé de consentir à la cession, les associés sont tenus, dans le délai de trois mois à compter de ce refus, d’acquérir ou de faire acquérir les parts à un prix fixé dans les conditions prévues à l’article 1843-4 du Code civil, sauf si le cédant renonce à la cession de ses parts […]”.

En l’espèce, à la suite du décès d’un associé, des héritiers s’étaient vu refuser l’agrément par les autres associés d’une SARL. La valeur de leurs droits avait été fixée par expert judiciaire, avant que les associés ne donnent finalement leur agrément. La Cour de cassation devait donc se prononcer sur la question suivante : les héritiers peuvent-ils, dans un tel contexte, renoncer à devenir associés ?

La solution rendue par la Cour est pragmatique : les héritiers peuvent, à tout moment de la procédure, renoncer à leur demande d’agrément et demander le paiement de la valeur de leurs droits. Et ce, même si la valeur des parts sociales a déjà été fixée par un expert.

Evaluation des parts ou actions de société : des précisions sur les obligations respectives de l’expert et du juge

Par un arrêt rendu le 17 janvier 2024 (Cass. com, 17 janv. 2024, n° 22-15.897), la chambre commerciale de la Cour de cassation apporte de nouvelles précisions quant à la façon d’évaluer la valeur des droits sociaux sur le fondement de l’article 1843-4 du Code civil.

Rappelons qu’en cas de cession de droits sociaux, lorsque la valeur de ceux-ci fait l’objet d’une contestation, il revient à un expert spécifiquement désigné d’en déterminer la valeur.

Voici ce qu’il faut retenir de la décision rendue par la Cour de cassation :

  •         L’expert peut proposer plusieurs évaluations, s’il estime que les termes de la convention ne sont pas suffisamment clairs et précis ; 
  •         Le juge est invité à appliquer l’évaluation correspondant à l’intention commune des parties. Il ne peut pas procéder lui-même à la détermination du prix.

Cette méthode permet, lorsque le juge retient une interprétation de la volonté des parties différentes de celle proposée par l’expert, de déterminer la valeur des droits sociaux sans avoir à demander une nouvelle expertise dans les conditions de l’article 1843-4 du Code civil.

Précisions sur la condition d’accès des étrangers au statut d’entrepreneur individuel

La loi du 26 janvier 2024, dite « loi immigration », est venue préciser les conditions d’accès des étrangers au statut d’entrepreneur individuel, entendu comme une personne physique qui exerce en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes (art. L 526-22, al. 1 du Code de commerce).

L’article L526-22, al. 2 de la loi, applicable depuis le 28 janvier 2024, prévoit désormais que les étrangers ressortissants de pays non-membres de l’Union européenne, de l’Espace économique européen (Islande, Liechtenstein, Norvège) et de la Confédération suisse ne peuvent pas exercer sous ce statut, dès lors qu’ils ne disposent pas d’un titre de séjour qui les autorisent à exercer en tant qu’entrepreneur individuel.

Publication du bilan national 2023 des entreprises des greffiers des tribunaux de commerce

Le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce (CNGTC) a publié le 30 janvier dernier le bilan national 2023 des entreprises. Ce bilan permet de mesurer l’état de santé de l’écosystème entrepreneurial français à partir des données du Registre du commerce et des sociétés. Que faut-il alors en retenir ?

En 2023, le bilan est contrasté : les procédures collectives sont en forte augmentation, avec 50 000 procédures collectives ouvertes (35% d’augmentation). En cause, la fin des aides d’État accordées aux entreprises pendant la pandémie de Covid-19. Si tous les secteurs économiques sont touchés, le commerce, la construction et l’hébergement concentrent 60% des défaillances d’entreprise.

Le nombre de radiations baisse cependant (- 19 % par rapport à l’année précédente), grâce à l’efficacité des mesures mises en place par les pouvoirs publics. Cette bonne résistance des entreprises se traduit également par une baisse limitée de la création d’entreprise (- 5,4 % par rapport à 2022). Ce tassement n’est pas une mauvaise nouvelle en soi, puisque le nombre total de créations d’entreprises demeure largement supérieur à la période pré-Covid, soit + 17% par rapport à 2019.