Reprise des actes d’une société en formation : état des lieux

Pour les associés d’une entreprise, la reprise des actes d’une société en formation peut sembler floue et complexe. Cet article se penche sur cette étape importante de la vie d’une entreprise, examinant les défis juridiques et pratiques associés à cette reprise. L’évolution de la jurisprudence, notamment les récents arrêts de la Cour de cassation, marque un tournant dans l’approche de ces questions, offrant une perspective plus souple pour les entrepreneurs et leurs entreprises en formation.

Table des matières

En quoi consiste la reprise des actes d’une société en formation ?

Pendant le processus de création d’une entreprise jusqu’à son immatriculation, il est souvent nécessaire que des actes soient conclus afin de mettre en route l’activité de la société. Cependant, étant donné l’absence de personnalité juridique de la société en formation, celle-ci ne peut pas s’engager ou revendiquer des actes.

Il est néanmoins possible de réaliser des actions en son nom. Les opérations sont effectuées par les associés fondateurs, au nom de la société en cours de formation, avant même la constitution et l’immatriculation de la société.

Cela peut par exemple concerner :

– la réalisation d’un site internet ;
– la signature d’un bail commercial ;
– l’ouverture d’un compte bancaire professionnel ;
– la réalisation d’un business plan ;
– l’achat d’équipement et de matériel pour la société.

Une fois immatriculée, la société peut reprendre les actes effectués par les associés fondateurs. Ils sont alors réputés avoir été effectués par la société.

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La période de formation d’une société

Identifier la phase durant laquelle une société est considérée comme une « société en formation » n’est pas toujours facile. Pour qu’elle soit caractérisée, il faut prendre en compte l’intention des fondateurs et leurs actions. Elles doivent refléter clairement l’intention de former une société. 

Le point de départ de cette période de formation débute après les premiers pourparlers. Il peut par exemple s’agir de la signature des statuts ou de l’ouverture d’un compte bancaire afin de déposer le capital social.

En principe, la période de formation d’une société prend fin lorsqu’elle acquiert une personnalité juridique. C’est le cas lorsque les formalités de création d’une entreprise ont été réalisées, que l’immatriculation est validée et que la société a obtenu son numéro SIREN.

Cependant, la période de formation peut prendre fin plus tôt que l’immatriculation. C’est le cas lorsque les partenaires engagent des activités qui dépassent les démarches préliminaires à la création de l’entreprise. Dans de tels cas, la société en formation se transforme en société créée de fait.

Comment sont repris les actes réalisés pour une société en formation ?

La reprise des actes d’une société en formation peut se faire selon l’une des trois modalités suivantes.

 

Les actes accomplis avant la signature des statuts 

Un état des actes accomplis au nom de la société en formation, précisant pour chacun d’eux les obligations en découlant, doit être joint aux statuts. La ratification des statuts entraîne la reprise automatique de ces actes par la société, une fois immatriculée.

Les associés ayant engagé des dépenses durant la phase de création pourront être remboursés par l’entreprise après son immatriculation et le déblocage des fonds. Ils pourront également opter pour le maintien de ces montants sur un compte courant d’associé, qui apparaîtra au passif du bilan de l’entreprise.

Les actes conclus après la signature des statuts 

Une fois les statuts signés, les associés peuvent mandater un ou plusieurs d’entre eux pour engager des actes pour le compte de la société, jusqu’à son immatriculation. Ce pouvoir peut être restreint ou étendu, et doit figurer dans les statuts ou dans un document distinct.

Le mandat requiert une description claire de l’engagement à prendre, y compris son but et ses modalités.
Si ce n’est pas le cas, l’acte ne sera pas automatiquement repris par l’entreprise au moment de son enregistrement au Registre du Commerce et des Sociétés (arrêt de la Cour de cassation en date du 14 novembre 2006 (n°05-16527)).

Si la procédure est correctement réalisée, la reprise des actes de la société en formation se réalise de manière automatique avec l’inscription au Registre du Commerce et des Sociétés.

Les actes accomplis après l’immatriculation de la société

Si les deux modalités précédentes n’ont pas été effectuées, il est toujours possible de le faire après l’immatriculation de la société. Cette démarche doit s’effectuer lors d’une assemblée générale ordinaire ayant pour objet la reprise des actes réalisés au nom de la société en cours de formation.

Généralement, cette décision requiert l’approbation de la majorité des associés, sauf mention contraire dans les statuts.

La responsabilité des associés

D’après les dispositions des articles 1843 du Code civil et L. 210-6 du Code de commerce, les personnes
agissant au nom d’une société en phase de formation sont tenues solidairement et indéfiniment responsables
des actes accomplis
.
Cette responsabilité perdure jusqu’à ce que l’entreprise, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, reprenne ces actes.

Par conséquent, si les actes accomplis pour le compte de la société en formation ne sont pas repris, ladite société
n’en est pas responsable. En revanche, les personnes ayant contracté ces actes le sont. 

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L’évolution de la jurisprudence

Reprise des actes : la situation avant novembre 2023 pour une société en formation

Avant le revirement de jurisprudence opéré par la Cour de cassation à travers trois arrêts rendus en 2023 (n° 22-12.865, 22-18.295 et 22-21.623), cette dernière imposait un formalisme rigoureux concernant la reprise des actes.

En effet, pour que les actes conclus pendant la période de formation d’une société puissent être repris, elle exigeait qu’apparaisse dans l’acte la mention selon laquelle les engagements
étaient souscrits “au nom” ou “pour le compte” de la société en formation.

Si cette mention était absente et que l’acte était conclu sans l’indication “au nom” ou “pour le compte” de la
société en formation, l’acte ne pouvait pas être repris. Il était traité comme s’il avait été établi pour le compte d’une entité juridique inexistante, et était frappé de nullité absolue.

Ce formalisme avait pour but d’assurer la sécurité juridique tant du tiers cocontractant que de l’associé qui accomplit
l’acte pour le compte de la société. Cependant, cela pouvait entraîner des conséquences très sévères. À titre
d’exemple, la Cour de cassation a considéré que l’acte passé “par” la société en formation et non “en son nom” ou “pour le compte” était frappé de nullité (no19-10.006). À cause d’une erreur de rédaction, l’acte ne pouvait donc pas être repris par la société.

 

Reprise des actes : la situation actuelle pour une société en formation

Depuis le 29 novembre 2023 et les trois arrêts rendus par la Cour de cassation (n° 22-12.865, 22-18.295 et 22-21.623), cette dernière est revenue sur sa position en matière de reprise d’actes et a abandonné ses exigences formelles.
Elle a considéré que celles-ci ne résultaient pas explicitement des textes régissant les actes passés au cours de la période de formation d’une société.

Elle accepte désormais que le juge puisse apprécier la situation de manière souveraine, en examinant l’ensemble des circonstances, qu’elles soient directement liées à la nature ou au contenu de l’acte, ou qu’elles résultent de circonstances ou d’éléments extérieurs à l’acte. Il doit analyser l’intention des parties afin de savoir si elles souhaitaient que l’acte soit passé “au nom” ou “pour le compte” de la société en formation, pour qu’elle puisse ensuite reprendre les engagements souscrits.

La précision “au nom de” ou “pour le compte de” la société en formation n’est plus une condition de validité de
l’acte. Celui-ci peut être considéré comme valide et être repris par la société une fois son existence juridique officialisée, à condition que l’intention mutuelle des parties de conclure l’acte “au nom” ou “pour le compte” de la société en
formation soit évidente.

 

Quid en cas de changement de
caractéristiques de la société en formation ?

La Cour de cassation a également abordé un autre point à travers ces trois arrêts : est-il impératif qu’une société en
cours de formation, pour laquelle un acte a été conclu, conserve les mêmes caractéristiques après son immatriculation, afin que la reprise d’acte soit envisageable ?

Bon à savoir : La Cour de cassation a tranché et a affirmé que l’acte conclu au bénéfice d’une société en formation n’exige pas, sauf en cas de malveillance ou de fraude, que la société immatriculée adopte exactement la même structure juridique et soit constituée des mêmes associés.

Conclusion

Le processus de formation d’une société et la reprise d’actes réalisés en son nom avant son immatriculation nécessitent une expertise juridique fiable et à jour.
LegalVision, grâce à sa plateforme innovante et son équipe d’experts, offre un accompagnement sur mesure à ses clients. En se tenant au fait des dernières évolutions jurisprudentielles, notre équipe vous assure une conformité totale et une sécurité juridique renforcée.

Que ce soit pour les formalités de création d’une entreprise, la rédaction d’une annonce légale ou la gestion des actes préalables à l’immatriculation, LegalVision se charge de ces démarches, permettant aux entrepreneurs de se concentrer pleinement sur le développement de leur activité. 

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