Droit des sociétés : les textes et actualités d’avril 2024 !

Adoption de la directive CSDDD par le Parlement européen, jurisprudences relatives à la révocation du mandat social d’un directeur général et aux conventions d’abonnement… On fait le point sur les actualités du droit des sociétés du mois d’avril 2024.

Table des matières

Révocation du mandat social d’un directeur général : les précisions de la Cour de cassation

Le 4 avril dernier, la Cour de cassation a rendu un arrêt (Cass. com., 4 avril 2024, n° 22-19.991) relatif à la cessation d’un mandat social faisant suite à une opération sociétaire. 

Pour la Cour, la décision du CA d’une société anonyme de confier à son président la direction générale d’une société, mettant fin à la gouvernance dualiste précédemment votée par les administrateurs, ne constitue pas une révocation déguisée du directeur général et ne procède pas d’une volonté de l’évincer… sauf si ce dernier parvient à démontrer que la décision a été prise dans ce but précis. 

Par conséquent, une telle révocation n’ouvre pas droit à indemnité pour absence de juste motif. 

Il s’agit là d’une solution inédite. Formulée à propos d’une SA, elle apparaît transposable aux autres formes de sociétés.

Rachat de titres suivi d’une réduction de capital non motivée par des pertes : les sommes versées aux associés ont le caractère de revenus distribués

C’est la décision rendue par la Cour administrative d’appel de Bordeaux, le 16 avril 2024

En l’espèce, l’objet de ce rachat de titres était la réduction du capital social par diminution du nombre de titres. Or, dès lors que cette réduction non motivée par des pertes s’est traduite par une répartition au profit des associés, les sommes doivent être taxées selon le régime des distributions de dividendes.

La Cour administrative d’appel de Bordeaux exclut donc l’application du régime des plus-values. Cette décision n’est pas sans conséquences : en effet, pour les titres acquis avant le 1er janvier 2018, date d’entrée en vigueur du prélèvement forfaitaire unique (aussi appelé « flat tax »), cela suppose l’impossibilité de revendiquer l’application des abattements pour durée de détention en cas d’option pour le barème progressif.

Devoir de vigilance : adoption de la directive CSDDD par le Parlement européen

L’objectif affiché par ce texte : responsabiliser et réguler les entreprises européennes en matière de droits humains, de santé, sécurité et environnement. 

La directive votée par le Parlement européen sera applicable aux entreprises européennes dont les effectifs comptent plus de 1 000 salariés et qui ont réalisé un chiffre d’affaires net de plus de 450 millions d’euros au niveau mondial, ainsi  qu’aux entreprises étrangères (ou la société mère d’un groupe) ayant réalisé un chiffre d’affaires de plus de 450 millions d’euros dans l’Union européenne. 

Ces entreprises devront prévoir des mesures de prévention des risques d’atteintes aux droits humains, à la santé et à la sécurité, et à l’environnement. Par ailleurs, les effets négatifs résultant de leurs propres activités ou de celles de leurs filiales (mais aussi, lorsqu’elles sont liées à leurs chaînes d’activités, de celles de leurs partenaires commerciaux) devront faire l’objet d’un recensement. 

Enfin, la directive CSDDD prévoit également la mise en place d’un plan de transition pour la réduction du changement climatique aligné avec les objectifs définis par l’Accord de Paris du 12 décembre 2015. 

Lutte contre le blanchiment : un nombre record de signalements en 2023

Le 11 avril dernier, Tracfin a présenté le bilan 2023 de l’activité déclarative des professions assujetties à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT). 

Ce bilan fait état d’une hausse de 15 % de l’ensemble des signalements reçus par Tracfin en 2023 par rapport à l’année précédente. Avec près de 200 000 signalements reçus en 2023, Tracfin enregistre ainsi une année record. 

A retenir : ces signalements ont été multipliés par sept en dix ans !

Sans surprise, le secteur financier (banques, établissements de crédit et établissements de paiement) est à l’origine de 94 % des signalements reçus en 2023. Dans ce secteur, la nouveauté est la très forte hausse des signalements effectués par les établissements de monnaie électronique (+ 146 % par rapport à 2022) et des prestataires de services sur actifs numériques (+ 339 %).

En 2023 comme en 2022, le nombre de déclarations de soupçon provenant du secteur non-financier représente 6 % de l’ensemble des signalements. Dans une grande majorité des cas, les signalements proviennent de trois secteurs d’activité, à savoir : les professions juridiques et comptables, les jeux (casinos, jeux en ligne, etc.), et l’immobilier (notaires et professionnels de l’immobilier). 

Enfin, dans le secteur non-financier, le volume de déclarations de soupçon est en hausse de 8 % par rapport à l’année précédente.

Honoraires d’avocat soumis à une convention d’abonnement : les factures doivent être détaillées

Le 4 avril 2024, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a rendu une décision concernant l’encadrement des honoraires d’avocat soumis à une convention d’abonnement. 

En l’espèce, un contrat d’abonnement prévoyant un honoraire annuel payable chaque mois pour des prestations de conseil en droit commercial, fiscal et social avait été conclu entre une société et un avocat. La société avait par la suite saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats en contestation de certains des honoraires facturés.

Pour la Cour, les honoraires forfaitaires payables périodiquement en application d’une convention d’abonnement conclue entre un avocat et son client doivent faire l’objet d’une facturation conforme à l’article L. 441-9  du Code de commerce

Elle précise qu’est légalement justifiée la décision du premier président de la Cour d’appel de réduire, par application de l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, le montant des honoraires payés par le client sur la base de factures émises en vertu d’un contrat d’abonnement, qui ne comportent pas de précision sur la date et le contenu des actes ou consultations effectués par l’avocat. 

Il convient donc de retenir, pour les avocats liés par un tel contrat, la nécessité de détailler les factures d’honoraires forfaitaires.

Un dirigeant de SAS ne peut pas agir en nullité d’une décision d’assemblée dépourvue d’objet

Dans un arrêt du 4 avril 2024, la chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com. 4-4-2024, n° 22-20.482) s’est prononcée sur la question suivante : un directeur général de SAS ayant démissionné de ses fonctions est-il recevable à demander l’annulation, pour défaut d’objet, d’une délibération d’assemblée générale qui l’a révoqué de son mandat après sa démission ?

Après avoir censuré l’arrêt d’appel qui avait admis la recevabilité de

l’action en nullité formée par le directeur général, la Cour a précisé que l’action en annulation d’une délibération d’assemblée générale de SAS pour défaut d’objet relève d’une cause de nullité des contrats en général, de sorte que sa recevabilité doit être appréciée au regard du droit commun.

En conséquence, le directeur général de SAS qui a démissionné de ses fonctions n’est pas recevable à demander l’annulation, pour défaut d’objet, de la délibération de l’assemblée générale qui l’a révoqué de son mandat après sa démission, la nullité encourue étant relative et ne pouvant être demandée que par les personnes concernées.

Cette solution inédite s’applique à tout dirigeant de SAS qui exerce l’action en nullité.

Le dirigeant social dont le poste est supprimé est-il révoqué ? 

C’était la question soumise à la chambre commerciale de la Cour de cassation le 4 avril dernier (Cass. com. 4-4-2024 n 22-19.991). Celle-ci répond par la négative. En effet, la décision de changer le mode de gouvernance d’une société ayant pour effet de mettre fin aux fonctions du dirigeant ne constitue une révocation que si elle a pour but de l’évincer de son mandat social.

En l’espèce, le directeur général n’ayant pas été révoqué de son mandat pour être remplacé par un nouveau directeur général (et son mandat ayant été supprimé par ailleurs), il ne prouvait pas que la suppression de son poste dérivait d’une volonté de l’évincer, pouvant s’analyser comme une révocation déguisée.