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Non-déclaration des bénéficiaires effectifs : la sanction de la radiation d’office du RCS

Depuis 2017, les entreprises ont l’obligation de déclarer leurs bénéficiaires effectifs au registre du commerce et des sociétés (RCS), une mesure de transparence destinée à lutter contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Or, de nombreuses sociétés négligent encore cette formalité. Jusqu’à présent, les conséquences restaient limitées, mais une loi du 13 juin 2025 est venue durcir le régime : désormais, une société qui omet de déclarer ses bénéficiaires effectifs ou de mettre à jour leurs informations risque tout simplement une radiation d’office du RCS.

Table des matières

Déclarer ses bénéficiaires effectifs : une étape obligatoire

En France, toutes les sociétés non cotées (civiles ou commerciales), ainsi que certaines entités comme les GIE, doivent déclarer les informations concernant leurs bénéficiaires effectifs auprès du RCS. Cette déclaration initiale s’effectue lors de l’immatriculation de la société, puis doit être mise à jour dans les 30 jours suivant tout événement rendant les informations obsolètes. Le bénéficiaire effectif est, rappelons-le, la ou les personnes physiques qui contrôlent effectivement la société (par exemple en détenant plus de 25 % du capital ou des droits de vote). À défaut d’identification selon ce critère, il s’agit des dirigeants de la société. 

Pour un rappel complet sur l’identification des bénéficiaires effectifs, voir notre article dédié : Comment déterminer les bénéficiaires effectifs d’une entreprise ?

 

Malgré le caractère obligatoire de cette formalité, une part significative d’entreprises n’y satisfont pas correctement. En 2024, les greffiers ont signalé plus de 38 000 divergences dans le registre des bénéficiaires effectifs, dont 37,5 % résultaient d’une absence totale de déclaration de bénéficiaire effectif. Jusqu’à récemment, une telle carence exposait surtout la société à une injonction du président du tribunal, éventuellement sous astreinte, de réaliser la déclaration manquante. Des sanctions pénales existaient également – notamment 6 mois d’emprisonnement et 7 500 € d’amende (portée à 37 500 € pour les personnes morales) – mais celles-ci étaient peu appliquées en pratique. Face à ces manquements répétés et au manque de fiabilité du registre, le législateur a choisi de renforcer drastiquement l’arsenal de sanctions.

Loi du 13 juin 2025 : la radiation d’office en cas de non-déclaration

Afin de fiabiliser le registre des bénéficiaires effectifs, la loi n° 2025-532 du 13 juin 2025 (dite « loi Piège du narcotrafic ») instaure un nouveau mécanisme de radiation d’office des sociétés défaillantes. Concrètement, une entreprise qui ne déclare pas du tout ses bénéficiaires effectifs ou qui ne met pas à jour une information devenue inexacte s’expose désormais à être radiée du RCS par le greffier du tribunal de commerce. Trois cas de figure peuvent entraîner cette sanction :

  • Absence de déclaration ou de mise à jour : si le greffier constate qu’une société n’a pas déclaré ses bénéficiaires effectifs ou n’a pas régularisé une information erronée, il lui adresse une mise en demeure par lettre recommandée avec AR, envoyée à son siège social. Faute de réponse dans les 3 mois suivant cette mise en demeure, le greffier pourra procéder à la radiation d’office de la société du RCS. (La loi prévoit que cette radiation pourra être « rapportée » par le greffier, via un décret à venir, ce qui signifie qu’après régularisation la société pourra demander sa réinscription.)
  • Divergence non corrigée : lorsqu’un professionnel assujetti à la LCB-FT (banque, notaire, expert-comptable…) ou une autorité de contrôle signale une divergence entre les bénéficiaires effectifs déclarés et ceux qu’il a identifiés, le greffier met en demeure la société de rectifier sa déclaration via le guichet unique électronique. Si la société ne s’exécute pas dans les 3 mois suivant la réception de cette mise en demeure, le greffier procédera à sa radiation d’office du RCS.
  • Injonction judiciaire non respectée : enfin, dans le cadre d’une procédure judiciaire déjà existante (article L561-48 C. mon. fin.), si la société ne défère pas à l’injonction du tribunal lui ordonnant de déclarer ses bénéficiaires effectifs, dans les 3 mois suivant la notification de la décision de justice, elle encourt également la radiation d’office. Autrement dit, l’injonction du tribunal, autrefois assortie éventuellement d’astreintes, est désormais doublée de cette menace de radiation en cas de persistance du manquement.

 

À noter : pour les deux derniers cas (données divergentes ou injonction judiciaire non suivie), le texte ne prévoit pas explicitement la possibilité de faire annuler la radiation après une éventuelle régularisation. Cette omission interroge sur les modalités de réactivation de la société une fois radiée – lacune qui devra sans doute être comblée par les règlements d’application ou la pratique. Quoi qu’il en soit, la radiation d’office prononcée par le greffier demeure une mesure administrative qui n’entraîne pas la disparition de la personne morale de la société. L’entreprise radiée continue donc juridiquement d’exister, même si sa capacité à agir est fortement paralysée tant qu’elle n’est pas ré-immatriculée. Par ailleurs, le greffier doit informer l’INPI (gestionnaire du registre national des entreprises) et le ministère public de toute radiation prononcée sur ce fondement.

Comment éviter la radiation ? Bonnes pratiques de conformité

Cette nouvelle sanction appelle les entreprises à une vigilance accrue dans le suivi de leur registre des bénéficiaires effectifs. Pour éviter une radiation – aux conséquences potentiellement lourdes – il convient d’adopter quelques bonnes pratiques :

  • Déclarer dès la création et mettre à jour sans délai. Veillez à déposer le document relatif aux bénéficiaires effectifs lors de l’immatriculation initiale, puis à le mettre à jour dès qu’un changement intervient (cession de parts, arrivée d’un nouvel actionnaire important, modification de contrôle, etc.). Le guichet unique de l’INPI centralise désormais ces formalités, avec des délais de traitement à anticiper en cas d’anomalie.
  • Surveiller les informations déclarées. Il est recommandé de vérifier régulièrement les données figurant au RBE de votre entreprise (via le portail Data INPI ou votre espace en ligne). Une simple omission peut désormais avoir des conséquences radicales. Les partenaires financiers (banques, investisseurs) sont d’ailleurs de plus en plus attentifs à la conformité du RBE, et un dossier non à jour peut entraîner des refus de services ou le signalement de divergences.
  • Identifier correctement les bénéficiaires effectifs. L’identification du ou des bénéficiaires effectifs peut s’avérer complexe dans certaines structures (participations indirectes, cascades de sociétés…). Des outils en ligne existent pour vous y aider. Par exemple, LegalVision propose un simulateur de bénéficiaires effectifs gratuit qui calcule automatiquement les seuils de 25 % et permet d’identifier les personnes physiques à déclarer. Utiliser ce type d’outil facilite la conformité de votre dossier et réduit le risque d’oubli ou d’erreur dans vos déclarations.

 

En renforçant ainsi les sanctions, le législateur affiche sa volonté de mettre fin aux manquements répétés en matière de déclaration des bénéficiaires effectifs. La perspective d’une radiation d’office – mesure rare par son impact – doit inciter chaque dirigeant à considérer le RBE avec la plus grande importance. En anticipant les mises à jour et en s’appuyant sur les ressources disponibles (conseils d’experts, outils de simulation, etc.), les entreprises pourront continuer leurs activités sereinement, sans craindre cette sanction nouvelle mais désormais bien réelle.

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