Droit des sociétés : textes et actualités de mai 2025

Qualification du dirigeant de fait, conditions d’application du devoir d’information précontractuelle… Retour sur la jurisprudence en droit des sociétés de mai 2025.

Table des matières

Agrément d’une cession de parts : les associés d’une SARL doivent statuer dans les délais

L’agrément des associés est une formalité cruciale dans les cessions de parts sociales au sein des SARL. Cette procédure encadre de manière stricte le transfert de titres à un tiers, étranger à la société. L’agrément peut également avoir lieu entre associés. Un récent arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com., 2 avr. 2025, n° 23-23.553) vient rappeler que le délai de trois mois pour statuer sur l’agrément ne peut être prolongé, même en cas de consultation écrite des associés.

 

En l’espèce, une associée de SARL notifie à la société et aux autres associés un projet de cession de ses parts à un tiers. En l’absence de réponse, elle saisit le juge pour provoquer la tenue d’une assemblée générale. Le gérant de la SARL opte pour une consultation écrite des associés, conformément à l’article R. 223-22 du Code de commerce qui impose aux associés un délai de 15 jours minimum pour se prononcer. 

 

Mais ce délai repousse la date de consultation au-delà du délai légal de trois mois pour statuer sur l’agrément. La société argue que ce délai réglementaire justifie cette prolongation. L’argument est écarté par les juges du fond, et confirmé par la Cour de cassation. 

 

La Haute juridiction rappelle en effet que le délai de trois mois prévu par le Code de commerce est d’ordre public, même si le gérant choisit une modalité de consultation qui impose un autre délai. Il appartenait donc à ce dernier d’organiser la consultation écrite des associés sur l’agrément du tiers de manière à respecter les deux délais.

 

Cette décision permet d’éclairer un point de procédure important : ainsi, les délais fixés par voie réglementaire n’ont pas vocation à suspendre ou proroger un délai légal d’ordre public, tel que le délai de trois mois prévu à l’article L. 223-14 du code de commerce. D’où l’importance d’opérer une articulation stricte entre délais légaux et délais réglementaires. 

Devoir d’information précontractuelle : la Cour de cassation précise les conditions d’application de l’article 1112-1 du Code Civil

L’article 1112-1 du Code civil dispose en son premier alinéa que « Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. ».

Dans cette affaire, un associé d’une société exploitant un fonds de commerce de restauration rapide cède l’intégralité de ses parts à un tiers. Mais après la cession, le cessionnaire se heurte à l’impossibilité d’exploiter l’activité de restauration qu’il envisageait (basée sur la friture), en raison de l’interdiction par le règlement de copropriété d’installer un système d’extraction de fumée ou de ventilation. Le cessionnaire assigne alors le cédant en dommages et intérêts pour lui avoir dissimulé cette information.

La Cour d’appel de Reims rejette la demande d’indemnisation du cessionnaire, ce que confirme la Cour de cassation, en apportant des précisions importantes sur l’interprétation de l’article 1112-1 du Code civil.

L’alinéa 3 précise en effet qu’« ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties ». Or, la Cour de cassation adopte une interprétation plus restrictive. Elle considère ainsi que le devoir d’information précontractuelle ne porte que sur les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties, et dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre partie. Or, en l’espèce, la Cour d’appel a retenu qu’il n’était pas établi que la possibilité de faire de la friture était une condition déterminante pour le consentement du cessionnaire. 

La Cour de cassation abandonne la lecture littérale du texte, en dissociant les deux notions contenues dans une seule définition : l’importance déterminante et le lien direct et nécessaire.

Cela signifie que, même si une information présente un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties, il reste à démontrer que cette information a été déterminante sur le consentement du cocontractant.

Vers un droit simplifié pour les entreprises en difficulté ?

En 2024, le nombre de défaillances d’entreprises s’est élevé en France à un peu plus de 65 000, soit une hausse de 17 % par rapport à l’année précédente. Si, aujourd’hui, le droit des entreprises en difficulté permet d’apporter une réponse adaptée à chaque situation, les règles demeurent très complexes. Textes peu accessibles, multiplication des dispositifs applicables aux entreprises en difficulté (on compte 13 procédures amiables et collectives différentes)… Pour remédier à cette situation, un groupe de travail sur la simplification du droit des entreprises en difficulté a été mis en place le 27 mai 2025. Composé de 11 experts et expertes, il aura pour mission de formuler des recommandations pour construire un droit plus clair et plus moderne, en prenant particulièrement en compte l’intérêt des petites entreprises et des entrepreneurs individuels.

Objectif : un droit plus accessible et efficace 

L’objectif de ce groupe de travail est de rendre le droit des entreprises en difficulté plus accessible, mais aussi plus efficace et plus compétitif sur le plan international. Un projet qui s’inscrit dans la stratégie d’influence par le droit poursuivie depuis 2023 par le ministère de la Justice et le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, qui cherche à étendre le rayonnement et l’influence du droit français sur la scène européenne et internationale.  

Le groupe de travail procédera à diverses consultations des acteurs du droit des entreprises en difficulté. Ses conclusions sont attendues pour fin 2026. 

L’associé de SAS peut-il être privé de voter sur son exclusion au sein d’un comité restreint d’associés ?

Les statuts des SAS peuvent prévoir qu’un associé peut être tenu de céder ses actions dans les conditions qu’ils déterminent (article L 227-16 du Code de commerce). Lorsque les statuts subordonnent l’exclusion à une décision collective des associés, ils ne peuvent pas interdire à l’associé dont l’exclusion est envisagée de participer à cette décision par son vote. Tout associé, en effet, a le droit de participer aux décisions collectives et de voter. Les statuts ne peuvent déroger à cette règle que dans les cas prévus par la loi. 

Mais qu’en est-il lorsque les statuts confient la procédure d’exclusion à un comité restreint d’associés ? Au sein de ce comité, celui qui est menacé d’exclusion peut-il être privé du droit de voter sur cette décision

Dans un avis publié en mars 2025,  l’Association nationale des sociétés par actions (Ansa) estime que la réponse à cette question dépend de la composition du comité.

Pour l’Ansa, dans le cas de décisions collectives (décisions à prendre par l’ensemble des associés bénéficiant du droit de vote), l’intéressé ne peut pas être privé de son droit de participer et de voter sur son exclusion au sein de ce comité. En revanche, lorsque les statuts prévoient que l’exclusion d’un associé est décidée par un comité composé de certains associés seulement (désignés, par exemple, en fonction de leur participation dans le capital), ils peuvent interdire le vote de l’intéressé au sein de ce comité. Tout dépend donc de la façon dont est composé le comité d’associés

Qualification du dirigeant de fait : l’exigence d’actes positifs de gestion

Dans un arrêt rendu le 26 mars 2025 (Cass. com., 26 mars 2025, n° 24-11.190), la Cour de cassation est revenue sur la qualification du dirigeant de fait. Elle rappelle, une nouvelle fois, que cette qualité ne peut être retenue sans la démonstration d’un exercice effectif et indépendant de fonctions de gestion. 

 

Dans cette affaire, un directeur commercial avait été condamné à une faillite personnelle, en qualité de gérant de fait d’une SARL placée en liquidation judiciaire. Pour motiver sa décision, la Cour d’appel s’était appuyée sur plusieurs éléments : une enquête pénale, des déclarations de salariés, et la constatation que les ressources de la société étaient utilisées au profit d’une autre structure contrôlée par l’intéressé.

Ce faisceau d’éléments avait conduit la Cour d’appel à considérer que l’intéressé s’était substitué au gérant légal dans la conduite des affaires sociales. 

 

Mais, pour la Cour de cassation, la qualité de dirigeant de fait suppose l’exercice d’une activité positive de gestion en toute indépendance. Avoir de l’influence ou être perçu comme un décideur ne suffit donc pas : il est nécessaire d’avoir exécuté des actes précis et répétés, en excédant ses fonctions contractuelles.

Ce principe avait déjà été rappelé à plusieurs reprises (Cass. com., 24 janvier 2018, n° 16-23.649 ; Cass. com., 9 juin 2022, n° 21-13.588). Il repose sur une logique claire : la responsabilité attachée à la qualité de dirigeant (de droit ou de fait) ne peut être engagée sans qu’il soit démontré la réalisation d’actes positifs de gestion, indépendants et allant au-delà de ses fonctions, de nature à caractériser l’immixtion de l’intéressé dans la direction de la société. 

Un rappel bienvenu pour les cadres qui exercent des fonctions proches du pouvoir exécutif, au risque qu’advienne une confusion des rôles. 

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