Depuis le 1er octobre 2024, les nouvelles règles issues du décret du 7 juillet 2024 encadrent les procédures de transmission universelle de patrimoine (TUP) et de liquidation en France. Ce décret vise à renforcer la transparence des dissolutions pour protéger les créanciers et prévenir les abus. Basé sur des retours d’expérience, ce bilan explore les impacts pratiques de cette réforme un mois après son entrée en vigueur.
Table des matières
Nouvelle procédure des TUP : retour d’expérience des formalistes
- La publication obligatoire au BODACC et ses impacts
Avant la réforme, la publication de la dissolution au journal d’annonces légales (JAL) se faisait en parallèle de la demande de dissolution au greffe, déclenchant le délai d’opposition de 30 jours pour les créanciers. Bien que la publication au JAL demeure obligatoire, c’est désormais celle au BODACC qui déclenche le délai d’opposition des créanciers, dépendant donc du traitement des greffes.
Cependant, un problème technique accentue les retards : les formalités de TUP, transmises via le logiciel Guichet Unique, arrivent souvent chez les greffes avec des intitulés génériques comme « immatriculation », « modification » ou « radiation », sans indication explicite de leur nature réelle. Ce manque de précision complique la gestion des dossiers pour des greffes déjà surchargés, empêchant une priorisation efficace des demandes et allongeant ainsi les délais.
Certains formalistes indiquent que « les greffes, censés traiter les dossiers rapidement, prennent parfois plusieurs semaines avant de valider la dissolution, ce qui retarde d’autant le début du délai d’opposition. » Ce retard est problématique pour les entreprises cherchant à fixer une date de dissolution précise, car le début de la procédure dépend du délai de traitement des greffes, sur lequel elles n’ont aucun contrôle.
- Avantages et limites observés dans la procédure de TUP
La publication au BODACC améliore la transparence et l’accès à l’information pour les créanciers, bien que plusieurs formalistes relèvent des erreurs récurrentes dans les mentions publiées, ce qui complique la procédure. Un retour d’expérience souligne : « Le BODACC omet parfois de préciser qu’il s’agit d’une radiation par TUP, ce qui peut induire les créanciers en erreur et poser des questions quant à la validité de la procédure. » Si le BODACC ne fournit pas toutes les mentions requises, le délai d’opposition risque de ne pas débuter correctement, exposant l’entreprise à des risques de contestation de la part des créanciers.
La nouvelle procédure de liquidation : attestations de régularité sociale et fiscale
Une nouvelle exigence impose aux entreprises en liquidation de prouver leur conformité sociale et fiscale, en fournissant des attestations spécifiques. Cette étape additionnelle vise à renforcer la sécurité des créanciers en vérifiant que les obligations sociales et fiscales sont respectées avant la clôture de la liquidation. Cependant, elle introduit des contraintes supplémentaires pour les formalistes.
- Attestation de régularité sociale : Urssaf et MSA
L’obtention de l’attestation de régularité sociale dépend de l’existence d’un compte Urssaf ou MSA pour l’entreprise :
- Sociétés avec compte Urssaf ou MSA : ces entreprises peuvent obtenir l’attestation directement en ligne via leur espace professionnel. Voici les liens pour accéder aux plateformes :
- Sociétés sans compte Urssaf ou MSA, y compris les SCI et autres structures sans salariés : dans ce cas, l’entreprise doit contacter l’Urssaf par téléphone au 3957 pour obtenir l’attestation, laquelle est envoyée par e-mail après vérification. Cependant, cette démarche nécessite souvent des échanges supplémentaires et peut prendre plus de temps.
- Attestation de régularité fiscale : Impôts et TVA
Pour obtenir l’attestation de régularité fiscale, la démarche varie également selon le régime fiscal de l’entreprise :
- Sociétés à l’impôt sur les sociétés (IS) et à la TVA : elles peuvent obtenir l’attestation en ligne via leur espace professionnel sur le site gouv.fr.
- Sociétés à l’impôt sur le revenu (IR) : ces entreprises doivent faire la demande d’attestation via la messagerie sécurisée de l’espace personnel de chaque déclarant.
Ces démarches d’obtention d’attestations, bien qu’essentielles, nécessitent une bonne anticipation pour éviter les retards dans le processus de liquidation. De nombreux formalistes soulignent que, dans les cas de structures sans salariés, comme les SCI, la collecte des documents reste complexe en raison du manque d’informations disponibles et des délais administratifs variables.
Impacts et perspectives à long terme pour les TUP et liquidations
- Objectifs de transparence et sécurité des créanciers
Les nouvelles procédures introduites par le décret visent à améliorer la protection des créanciers en leur donnant une meilleure visibilité sur les dissolutions et en vérifiant la régularité des entreprises avant liquidation. Cette transparence accrue devrait, à terme, renforcer la confiance entre créanciers et entreprises. Cependant, comme le précisent plusieurs formalistes, les avantages de cette réforme en termes de sécurité pour les créanciers restent à confirmer, puisque, pour l’instant, les retours concernent principalement les retards engendrés. Un retour d’expérience sur une période plus longue, dans six mois ou un an, permettra de mieux évaluer l’efficacité de ces mesures.
- Limites pratiques et ajustements espérés
Malgré les avancées législatives, les praticiens relèvent des contraintes qui limitent la fluidité des procédures. Les petites entreprises, en particulier, sont confrontées à des délais d’obtention et des démarches administratives parfois lourdes. De même, la nécessité de garantir l’uniformité des mentions publiées au BODACC est soulignée pour éviter les contestations et garantir une meilleure conformité.
Une meilleure coordination entre les greffes et une harmonisation des pratiques de publication pourraient simplifier les formalités pour toutes les parties prenantes. Ces ajustements permettraient de rendre le processus de dissolution et de liquidation plus accessible et plus efficace pour les entreprises et les créanciers.
- Perspectives pour les mois à venir : adaptation progressive
Après un mois d’application, les formalistes observent une période d’adaptation des entreprises et des greffes aux nouvelles règles. Bien que des obstacles demeurent, notamment en termes de délais, ils reconnaissent que la réforme pourrait apporter des avantages significatifs à long terme, en sécurisant les créanciers et en améliorant la transparence des procédures de dissolution et de liquidation. Avec le temps, et au prix de quelques ajustements mineurs, ces nouvelles règles devraient aider à établir un système juridique plus protecteur.
Conclusion
Le décret du 7 juillet 2024 marque une étape majeure dans la régulation des transmissions universelles de patrimoine (TUP) et des procédures de liquidation en France. Cette réforme vise à renforcer la transparence et la protection des créanciers en imposant de nouvelles exigences de publication et de conformité sociale et fiscale. Cependant, les retours d’expérience du premier mois révèlent une complexité accrue pour les entreprises, notamment en raison des délais de traitement des greffes, sur lesquels elles n’ont aucun contrôle. Ces contraintes, qui rallongent les calendriers de dissolution, soulèvent des questions sur la praticité et la souplesse de la TUP.
À long terme, il est possible que la réforme apporte une sécurité accrue pour les créanciers et clarifie le processus de dissolution, mais son impact réel ne pourra être évalué qu’au fil des prochains mois. Des ajustements, tels qu’une meilleure coordination entre les greffes et une uniformité dans les publications au BODACC, sont encore attendus pour alléger la charge administrative et garantir une information claire pour toutes les parties prenantes.
Enfin, l’absence de maîtrise sur la date de publication au BODACC incite les entreprises à réévaluer leur stratégie de dissolution. Dans ce contexte, la fusion simplifiée se révèle parfois plus avantageuse que la TUP, offrant une flexibilité accrue pour la gestion des délais et une adaptation plus souple aux besoins calendaires des entreprises. Pour les formalistes et les entreprises, une planification minutieuse et une anticipation des démarches sont essentielles pour s’adapter à ces nouvelles obligations et éviter les blocages, tout en réévaluant l’option la plus adaptée pour chaque situation.