Droit des sociétés : textes et actualités de janvier 2025

Évolution des règles du régime de franchise en base de TVA, fin de la procédure de continuité du guichet unique, précisions de la Cour de cassation concernant les dirigeants personne morale d’une SAS et la responsabilité pour insuffisance d’actif… Voici ce qu’il faut retenir des actualités de janvier 2025 en droit des sociétés.

Table des matières

Adoption de la directive relative à l’amélioration du droit des sociétés à l’ère numérique

Le 19 décembre dernier, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont adopté une directive relative à l’extension et à l’amélioration de l’utilisation des outils et processus numériques dans le domaine du droit des sociétés. 

L’objectif de cette nouvelle directive est de rendre les données des sociétés plus facilement accessibles, de renforcer la transparence des sociétés dans les États membres et de réduire les formalités dans les situations transfrontières.

Plus concrètement, elle vise à :

– Faciliter le partage des données sur les sociétés par l’intermédiaire du système d’interconnexion des registres du commerce (BRIS) ;

– Créer un modèle numérique multilingue afin de supprimer les formalités dans les procédures transfrontières ;

– Encourager le recours au principe « Dites-le nous une fois » (afin d’éviter aux entreprises de fournir à plusieurs reprises leurs informations sociales et comptables) lorsque des sociétés créent des filiales ou des succursales dans un autre État membre ;

– Prévoir la possibilité d’inclure les coopératives dans la directive sur le droit des sociétés.

La directive est entrée en vigueur le 30 janvier 2025. Les États membres devront l’avoir transposée au plus tard le 31 juillet 2027 dans leur droit national. 

Dirigeant personne morale d’une SAS : et responsabilité pour insuffisance d’actif : les précisions de la Cour de cassation

Le 13 décembre 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation énonçait qu’« il résulte de la combinaison des articles L. 227-7, L. 651-1 et L. 651-2 du Code de commerce que, lorsque la personne morale mise en liquidation judiciaire est une société par actions simplifiée (SAS) dirigée par une personne morale, la responsabilité pour insuffisance d’actif, prévue par le troisième texte précité, est encourue non seulement par cette personne morale, dirigeant de droit, mais aussi par le représentant légal de cette dernière, en l’absence d’obligation légale ou statutaire de désigner un représentant permanent de la personne morale dirigeant au sein d’une SAS » (Com. 13 déc. 2023, n° 21-14.579). 

Près d’un an plus tard, le 20 novembre 2024, la Haute Juridiction est venue apporter des précisions à ce principe. 

 

En l’espèce, une SAS était dirigée par une société personne morale disposant d’un dirigeant personne physique. Après la mise en redressement puis en liquidation judiciaire de la SAS, le liquidateur a agi en responsabilité pour insuffisance d’actif à l’encontre du dirigeant personne physique de la société présidente de la SAS. Le tribunal de commerce lui a donné raison en condamnant le dirigeant pour insuffisance d’actif. Même raisonnement pour la Cour d’appel de Lyon, qui confirme la condamnation. 

Le dirigeant condamné intente alors un pourvoi en cassation, arguant du fait que les statuts de la SAS stipulaient que sa personne morale présidente avait désigné un représentant permanent autre que lui-même, ce que n’avait pas recherché la Cour d’appel. Dès lors, seul ce représentant permanent devait être considéré comme dirigeant de droit au sens de l’article L. 651-2 du Code de commerce.

La chambre commerciale de la Cour de cassation lui donne raison en cassant l’arrêt d’appel. Après avoir rappelé qu’il résulte de l’article L. 651-1 du code de commerce que la responsabilité pour insuffisance d’actif est applicable aux personnes physiques représentants permanents des dirigeants personnes morales, elle énonce sous forme de principe que « lorsqu’une société par actions simplifiée est dirigée par une personne morale qui a désigné un représentant permanent conformément aux statuts de cette société, la personne physique dirigeant cette personne morale ne peut voir sa responsabilité pour insuffisance d’actif engagée si elle n’a pas également la qualité de représentant permanent ».

On retient donc que, lorsqu’une SAS est dirigée par une personne morale qui a désigné un représentant permanent conformément aux statuts de cette société, la personne physique dirigeant cette personne morale ne peut voir sa responsabilité engagée pour insuffisance d’actif que si elle a également la qualité de représentant permanent.

Evolution des règles du régime de franchise en base de TVA

En 2022, la directive européenne 2022/542 (dite directive « taux ») a été adoptée dans le but d’harmoniser les règles de fixation des taux de la TVA par les Etats membres de l’Union européenne. Désormais transposée dans notre droit national, elle s’applique en France depuis le 1er janvier 2025. Conséquence : de nouveaux seuils et de nouvelles règles en matière de franchise en base de TVA s’appliquent désormais. 

Les nouveaux seuils de chiffres d’affaires 

  • Pour les ventes de marchandises et prestations d’hébergement, les seuils de franchise de TVA passent de 91 900€ à 85 000€. 
  • Pour les prestations de service, ils sont ajustés de 36 800€ à 37 500€. 
  • Quant aux seuils majorés, ils évoluent de 101 000€ à 93 500€ pour les ventes de marchandises et prestations d’hébergement, et de 39 100€ à 41 250€ pour les prestations de services. 

A noter : le projet de loi de finance pour 2025, récemment adopté, a abaissé le seuil de franchise en base de TVA à 25 000€ pour les micro-entrepreneurs. Il s’agit d’un seuil unique, sans distinction entre les types d’activités. Son entrée en vigueur était prévue pour le 1er mars 2025, mais elle a été suspendue face aux nombreuses critiques. A suivre. 

Les autres changements à noter

Désormais, une entreprise établie en France peut bénéficier de la franchise de TVA dans d’autres États membres, tandis qu’auparavant, la franchise n’était accordée qu’aux entreprises situées dans le pays de l’UE où la TVA est due. Des conditions s’appliquent toutefois :

  1. Effectuer en France les démarches prévues par l’article 293 B ter du Code général des impôts ;
  2. Respecter un plafond de chiffre d’affaires de 100 000€ dans l’Union Européenne ;
  3. Remplir les conditions d’application du régime déterminées par l’État membre concerné.

C’est aussi la fin de l’année (aussi appelée période) de tolérance, pendant laquelle le chiffre d’affaires réalisé était compris entre le seuil de franchise et le seuil majoré. L’entreprise qui se retrouvait dans cette période de tolérance pendant un an pouvait continuer à bénéficier de la franchise en base de TVA l’année suivante. Désormais, lorsque le chiffre d’affaires de l’entreprise se situe entre le seuil de franchise et le seuil majoré pendant un an, celle-ci sera redevable de la TVA dès l’année suivante. 

Enfin, c’est également la fin de la rétroactivité de la facturation de la TVA. Concrètement, jusqu’au 31 décembre 2024, la TVA était facturée à partir du premier jour du mois de dépassement du seuil majoré. Par exemple, si le seuil majoré était dépassé le 16 octobre, il fallait reprendre toutes les factures depuis le 1er octobre pour qu’elles incluent la TVA. 

Désormais, une entreprise n’a plus l’obligation de facturer la TVA à compter du premier jour du mois de dépassement, mais seulement à partir de la date de dépassement. Si l’on reprend notre exemple : à partir du 16 octobre uniquement. 

Formalités des entreprises : le Guichet Unique (enfin) unique

Souvenez-vous : depuis le 1er janvier 2023, le guichet unique électronique des formalités d’entreprises a remplacé les différents réseaux de centres de formalités des entreprises (CFE) pour la réalisation de toutes les formalités de création, de modification ou de cessation d’activité des entreprises 

Les formalités qui doivent être déclarées sur ce portail concernent notamment :

  • La création d’entreprise (immatriculation ou déclaration de début d’activité), 
  • Les modifications d’entreprise (changement d’activité, d’adresse, de nom, du nombre d’associés, des statuts, etc.),
  • La cessation d’activité, pour mettre fin à l’existence légale d’une entreprise. 

Cependant, pendant ses deux premières années d’existence, la plateforme a connu de nombreux et graves dysfonctionnements. Une procédure de secours a donc été instaurée pour réaliser certaines formalités. Celle-ci est désormais caduque : au 1er janvier 2025, cette procédure de continuité mise en place pour pallier les dysfonctionnements du Guichet unique a pris fin. 

Depuis cette date, les formalités suivantes se font exclusivement sur le Guichet unique : cessations d’activité, dépôt de comptes annuels, formalités de modification, et dépôt d’actes isolés.

A noter : Depuis le 1er janvier, un récépissé est délivré aux entreprises qui rencontrent des difficultés graves sur le guichet pour le dépôt des dossiers uniques. Celles-ci peuvent procéder à leur déclaration dès qu’elles sont informées de la résolution de leur problème. La déclaration doit intervenir au plus tard dans un délai de 15 jours suivant l’information de la résolution (Arrêté du 20 décembre 2024). 

Le gouvernement promet par ailleurs de nombreuses évolutions et corrections pour accompagner ce changement et faciliter l’utilisation du guichet. Le site devrait connaître d’importantes améliorations en matière d’ergonomie afin de faciliter le parcours des usagers. Une deuxième version est, à ce titre, prévue pour la mi-2025. 

Un jugement rendu en matière fiscale ne peut valoir titre exécutoire faute de mentionner le montant de la créance

Le jugement rendu par un tribunal correctionnel ayant condamné le dirigeant d’une société solidairement avec celle-ci pour fraude fiscale ne vaut pas titre exécutoire s’il ne mentionne pas le montant de la créance. C’est la solution rendue par un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 18 décembre 2024 (Cass.Com. 18 déc. 2024, n°° 22-16.103). 

En l’espèce, le tribunal correctionnel de Bayonne avait condamné un dirigeant solidairement tenu avec une société au paiement de rappels de TVA et d’IS, ainsi qu’aux majorations et pénalités y afférentes. Ce dirigeant avait reçu une mise en demeure valant commandement de payer. 

Le dirigeant conteste le commandement de payer, et saisit le juge de l’exécution en annulation de la mise en demeure. Il obtient alors gain de cause. 

Mais l’administration fiscale se pourvoit en cassation, arguant que les décisions de justice passées en force de chose jugées doivent faire l’objet d’une exécution. Pourvoi rejeté : pour la Cour de cassation, il résulte des articles L. 111-2 et L. 111-6 du Code des procédures civiles d’exécution que la décision judiciaire définitive qui déclare un dirigeant de société solidairement responsable avec celle-ci du paiement des impositions et pénalités dues par cette dernière, constitue un titre exécutoire suffisant pour fonder l’action du comptable public à l’égard de ce dirigeant… lorsqu’elle porte mention d’une créance liquide, c’est-à-dire évaluée en argent ou comportant tous les éléments permettant son évaluation.

Or, le jugement du tribunal correctionnel ne contenait aucun élément permettant de déterminer la créance du comptable public. Faute de mentionner le montant de la créance, ce jugement ne valait donc pas titre exécutoire. Dès lors, l’administration fiscale n’était pas fondée à adresser un commandement de payer au contribuable concerné sur la base de ce jugement.

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