Depuis le 25 août 2025, les dirigeants et associés indéfiniment responsables peuvent demander la confidentialité de leur adresse personnelle dans les registres officiels (RNE et RCS). Le décret n° 2025‑840 du 22 août 2025 est venu organiser cette occultation. Cette nouveauté répond à une double exigence : protéger la vie privée des dirigeants sans remettre en cause la transparence des sociétés. Dans cette analyse, nous nous plaçons du point de vue des formalistes pour expliquer ce qui change, qui est concerné et quelles démarches sont à effectuer.
Table des matières
Pourquoi une procédure d’occultation ?
Les actes publiés au registre du commerce et des sociétés comportent par principe les noms et domiciles des dirigeants, administrateurs et associés indéfiniment responsables. Cette publicité facilite la transparence et la protection des tiers, mais elle expose aussi ces personnes à des risques (harcèlement, menaces, usurpation d’identité). Le décret n° 2025‑840 a donc créé une procédure permettant, sur demande, de masquer l’adresse personnelle dans les extraits KBIS et les actes déposés tout en conservant l’accès aux informations essentielles pour les autorités.
Qui peut demander l’occultation ?
Le nouveau dispositif vise les personnes mentionnées à l’article R123‑54 du Code de commerce :
- Dirigeants de sociétés (gérants, présidents, directeurs généraux, administrateurs, membres du conseil de surveillance, etc.)
- Associés indéfiniment responsables (associés de SNC, certaines sociétés civiles)
- Commissaires aux comptes et représentants permanents
La procédure ne s’applique pas aux entrepreneurs individuels inscrits au RCS ; ces derniers doivent plutôt utiliser un service de domiciliation ou modifier l’adresse diffusée au répertoire Sirene. Les dirigeants de SAS peuvent également recourir à l’occultation, même si leur mandat ne les expose pas à une responsabilité indéfinie : l’autorité compétente validera la demande en se référant à la liste de l’article R123‑54.
Qu’est-ce qui reste public ?
L’occultation porte uniquement sur l’adresse privée. L’adresse du siège social et les mentions obligatoires de la société restent visibles. De plus, la confidentialité n’est pas absolue : plusieurs autorités continuent d’avoir accès aux coordonnées complètes (magistrats, officiers de police judiciaire, administrations fiscales, Douanes, URSSAF, notaires, commissaires de justice, caisses sociales, représentants légaux de la société, associés, créanciers). Cela garantit un équilibre entre protection de la vie privée et sécurité juridique des transactions.
Deux cas distincts : adresse sur le KBIS ou adresse dans un acte
L’article R123‑54‑1 distingue deux situations :
- Occultation sur le Kbis : la procédure vise à supprimer l’adresse personnelle des dirigeants sur l’extrait Kbis. La demande peut être faite en même temps qu’une formalité RCS (création, modification, dissolution) ou indépendamment.
- Occultation dans un acte (statuts, procès‑verbaux, etc.) : lorsque l’adresse personnelle figure dans un acte déposé, il faut fournir deux versions :
- une version publique où l’adresse est masquée, destinée à la diffusion ;
- une version confidentielle conservée au greffe et accessible aux autorités autorisées.
L’occultation d’un acte est payante (7,63 € par acte), tandis que la suppression de l’adresse sur le KBIS est gratuite si elle accompagne une formalité RCS, sinon elle coûte 53,38 €.
La démarche via le Guichet Unique : mode d’emploi
La demande se fait exclusivement en ligne, via le Guichet Unique de l’INPI. LegalVision propose un accompagnement complet de cette procédure, mais voici les étapes pour un formaliste qui souhaite comprendre la démarche :
- Connexion au Guichet Unique et sélection de l’option « Déposer un acte » ou « Modifier une formalité ».
- Choisir l’option « Occultation de l’adresse personnelle » (question : « Souhaitez-vous ne pas diffuser un acte ou solliciter l’occultation des adresses personnelles ? »). Répondre « Oui » pour déclencher la procédure
3. Ne sélectionner aucun acte si l’on souhaite seulement retirer l’adresse du Kbis.
4. Téléverser les pièces requises :
- Formulaire de demande de confidentialité dûment rempli (modèle fourni par le Guichet Unique).
- Version masquée des actes comportant l’adresse personnelle et version originale pour les dossiers d’occultation d’actes.
5. Valider la demande. Le dossier est alors transmis au greffe du tribunal de commerce pour contrôle.
Le greffier dispose de cinq jours ouvrables pour statuer sur la demande. L’absence de réponse dans ce délai permet de saisir le juge commis à la surveillance du registre pour faire trancher.
Points de vigilance
- Vérifier que les versions masquées ne laissent aucun indice permettant de reconstituer l’adresse.
- Joindre une déclaration sur l’honneur attestant de la conformité des documents.
- Prévoir un justificatif de domicile différent pour l’administration (adresse personnelle toujours conservée dans les bases confidentielles).
Formalités connexes : bonnes pratiques
L’occultation d’une adresse peut être effectuée seule ou à l’occasion d’une formalité RCS (création d’entreprise, nomination de dirigeant, modification de statuts, cession de parts, dissolution, dépôt de comptes). Pour optimiser le traitement :
- Mettre à jour la fiche RNE de la société avant toute demande : les greffes refusent de plus en plus les formalités lorsque les informations du RNE sont obsolètes, d’où l’importance de vérifier la conformité des données (siège, objet, dirigeants) avant de lancer l’occultation.
- Anticiper la modification des actes : lorsqu’un acte contient l’adresse personnelle d’un dirigeant (statuts, PV de nomination, etc.), préparer à l’avance la version publique sans adresse et la version confidentielle, et vérifier que les annexes correspondent.
- Organiser les formalités en même temps : si l’on doit modifier d’autres éléments (raison sociale, transfert de siège, nomination d’un CAC, etc.), il est souvent avantageux d’effectuer l’occultation en même temps, pour bénéficier de la gratuité et éviter de multiplier les dépôts.
- Informer les associés et organes sociaux : l’occultation est un droit individuel qui n’implique pas d’assemblée, mais par transparence il est recommandé d’avertir les associés et de mettre à jour les procès‑verbaux en conséquence.
Conclusion
L’occultation de l’adresse personnelle des dirigeants constitue une avancée majeure pour la protection de leur vie privée tout en préservant la transparence de la vie des sociétés. Pour les formalistes et les professionnels du droit des affaires, cette nouvelle procédure impose de maîtriser les règles et de surveiller les délais. Avec le soutien d’un partenaire spécialisé comme LegalVision, il devient plus simple d’intégrer ces demandes dans la gestion quotidienne des formalités et de garantir leur succès.